Enfermés dans nos bulles…

Si l’usage des réseaux sociaux en communication et marketing est porteur de nombreuses opportunités, il faut aussi avoir conscience de certains effets nettement moins honorables qu’ils induisent. L’élection de Donald Trump, notamment, permet d’en relever plusieurs. 

De l’avis général, la première élection de Barack Obama doit beaucoup à un usage intelligent des réseaux sociaux. En 2008, alors qu’aux yeux du monde il n’était encore qu’un simple politicien américain, le sénateur de l’Illinois est parvenu à se défaire d’Hillary Clinton afin de briguer la présidence des Etats-Unis face à John McCain. Alors que le parti démocrate avait fait de l’ex-Première Dame sa favorite, l’équipe d’Obama a fait un usage remarquable, et novateur à l’époque, des réseaux pour se rapprocher des citoyens, lever des fonds, aller chercher des électeurs, engendrer une réelle ferveur.

L’élection de Donal Trump, aujourd’hui, permet de mettre en lumière d’autres effets de l’usage des réseaux sociaux. Malgré les fabuleuses possibilités qu’ils offrent, il faut aussi constater quelques effets pervers.

Entre 2008 et 2016, ces nouveaux médias ont considérablement gagné en influence. Les utilisateurs sont plus nombreux. Toutes les catégories de la population utilisent désormais Facebook et y passent de plus en plus de temps. Le « réseau social » est devenu pour de nombreuses personnes un canal d’information essentiel, pour ne pas dire le principal.

La perte d’influence des médias traditionnels

Cette élection inattendue de Donald Trump est révélatrice de la perte d’influence des médias traditionnels au sein de nos sociétés. Dans leur très grande majorité, ceux-ci soutenaient la candidature de Clinton. Cette même grande majorité la voyait tout simplement élue. Les citoyens américains leur ont donné tort.

L’influence dont jouissait les médias traditionnels, longtemps considérés comme des « faiseurs d’opinion » ou du moins comme des relais essentiels pour faire passer des idées, n’est plus. Les réseaux sociaux en eux-mêmes n’ont pas forcément repris ce rôle d’influenceurs, malgré ce qu’en pensent les défendeurs du grand complot. Mais les usages qui en sont faits et leur fonctionnement changent considérablement la donne.

Quand l’émotion gagne sur la raison

Les réseaux sociaux ont tendance à amplifier certains discours, principalement ceux qui misent sur l’émotion et qui sont facilement intelligibles. Les contenus les plus partagés sont ceux qui jouent sur la corde sensibles : la joie, la tristesse, le dégoût, l’injustice ou encore le fameux effet « waouw » tant recherché par les marques.

« Lorsque les sentiments entrent en jeu, c’est souvent la peur qui l’emporte. »

Chargée en émotion, la campagne l’a pour le moins été. Force est de constater que, lorsque les sentiments entrent en jeu, c’est souvent la peur qui l’emporte. C’est justement sur cette peur d’un avenir plus incertain, de la perte d’acquis forgés dans une prétendue grande et belle histoire américaine que Donald Trump a basé campagne. Que ses propos soient fondés ou non, ils se sont rapidement propagés. Un tweet par-ci, une petite phrase par-là font passer au second plan un discours plus raisonnable, qui touche au fond des choses. Et on peut s’interroger sur le rôle des médias traditionnels, dépassés ou simplement à la recherche du clic, qui participent à la propagation de discours sans fondement, en les reprenant largement, sans même les commenter.

Ces messages émotionnels, au-delà, sont amplifiés par une frange médiatique, qui n’a rien de traditionnelle ni d’officielle. Je parle de nombreux sites aux intentions douteuses et nauséabondes, qui n’hésitent pas à créer des contenus choquants, scandaleux, souvent bien loin de toute vérité et qui profitent de l’effet viral permis par les réseaux. En Europe aussi, ces pratiques constituent une réelle menace.

Du reste, les médias qui s’évertuent à bien faire leur travail peinent à toucher la majorité. Face à des contenus facilement compréhensibles, qui suscitent l’émotion, ils peinent à simplement re-trouver leur place. A la question « comment en est-on arrivé là ? », qui prévaut au lendemain de l’élection, on trouvera certainement un élément de réponse dans ce phénomène « social ».

Sans cesse se voir renforcer dans ses convictions

Nous disions donc que les réseaux sociaux étaient devenus la principale source d’information d’un nombre croissant de citoyens. Rien de mal à cela. Le problème est que les réseaux nous enferment dans une bulle alors que les médias traditionnels nous ouvraient sur le monde. Finalement, le fil d’actualité est alimenté par nos « amis » et ceux que l’on a décidé de suivre parce qu’ils partageaient un point de vue similaire au nôtre.

« Les réseaux, c’est finalement le règne de l’entre-soi. »

En regardant le journal télévisé, une rédaction se donnait pour mission de nous ouvrir sur ce qui se passait ailleurs. En tournant les pages d’un quotidien ou d’un magazine d’information, on accède à un large éventail de points de vue, qui dépassent nos seuls centres d’intérêts. Les réseaux, c’est finalement le règne de l’entre-soi. Ces médias nous enferment dans nos bulles, avec ceux qui partagent les mêmes passions, les mêmes opinions. Et nous renforcent dans nos convictions, qu’elles soient fondées ou infondées, contestables sans jamais être contestées. C’est un deuxième effet pervers induit par les réseaux sociaux. Il permet notamment de comprendre la ferveur de la base électorale de Donald Trump qui, dans sa bulle, a entretenu des idées souvent infondées, sans être forcément tentée de remettre les éléments en perspective.

Quand l’algorithme tue la promesse d’ouverture

Les algorithmes, qui régissent les fils d’actualité, ont pour objectif de vous présenter les contenus qui correspondent le plus à vos centres d’intérêt, à vos goûts et envies, qu’ils émanent de vos connaissances ou d’annonceurs. Ils permettent aux marques de pénétrer dans notre bulle, ce lieu où, conforté dans nos convictions, on se sent si bien.

Cet effet algorithmique s’applique à d’autres aspects de la vie, à la musique que vous écoutez sur les plateformes de streaming, aux séries et films que vous regardez sur Netflix, à vos achats sur des sites e-commerce. On ne vous propose plus que ce que vous êtes susceptibles d’aimer. Et la promesse de l’Internet de nous ouvrir sur le monde et sur les autres, de mieux nous comprendre et nous entendre semble désormais bien éloignée.

par Sébastien Lambotte
@SebLambotte

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